La SIA bien placée pour accueillir les véhicules électriques et servir la rechange

Date:

En pleine pandémie, difficile de gérer au quotidien une entreprise présente à l’international et d’anticiper sur les marchés à venir. Ahmed Hentati, Président directeur général de la Société Industrielle d’Amortisseurs SIA, plus connue avec sa marque SIA’AM, a accepté de répondre aux questions de Tunisie Rechange sur les effets de la crise et les engagements des entreprises et de son groupe en particulier dans l’industrie nationale et l’export. Pleins feux sur un patron nouvelle génération.

Comment avez-vous géré la crise sanitaire jusqu’à présent dans votre groupe ?

SIA est membre du comité directeur de la TAA – Tunisia Automotive Association, qui a indiqué très tôt aux entreprises les mesures à prendre pour protéger les personnels et les clients, mesures que l’on a donc mises en pratique immédiatement, via un protocole sanitaire renforcé. Ce protocole nous a permis de continuer à exercer notre activité (hormis les livraisons que nous avons arrêtées pendant la période de mars avril), tout en assurant la sécurité de notre personnel. Grâce à cela, nous avons obtenu une dérogation – via les accords de la TAA avec les autorités compétentes Tunisiennes- pour reprendre très tôt le travail, soit 20 % de notre activité. Il était capital pour nous, en effet, de pouvoir assurer la continuité des projets en cours, notamment avec les constructeurs automobiles. Nous étions, ainsi, partie prenante dans la fabrication de la Citroën AMI dont la date de lancement de juillet 2020 était prévue depuis longtemps, lancement que nous ne voulions pas perturber faute d’amortisseurs !

Beaucoup d’équipementiers, sans doute, étaient intéressés par le projet AMI, qu’est-ce qui a fait la différence pour que vous l’obteniez ? 

La SIA s’avère le partenaire idéal pour ce type de véhicules qui réclame un outil de production flexible et un savoir-faire en matière de développement d’amortisseurs à des coûts compétitifs. Lorsque nous avons été contactés par Altran et PSA, dans le cadre de ce projet, ces deux atouts sont ressortis immédiatement : notre parc machines adapté aux faibles séries et le coût de développement à la pièce ont convaincu les donneurs d’ordre. Les grands équipementiers internationaux sont habitués à approvisionner des marchés à partir de 100 000 véhicules par an et apparaissent moins souples et compétitifs pour des productions de 15 000 véhicules par an, comme la Citroën AMI. La SIA s’appuie également sur un tissu industriel local, habitué à travailler en termes d’outillages et autres, pour des faibles et moyennes séries, tout en restant compétitif, les coûts de développements et ingénierie étant moins coûteux.

Vous vous appuyez sur un tissu industriel tunisien, et utilisez des matières premières tunisiennes, est-ce que la Tunisie bénéficie de structures, d’écosystèmes industriels automotive plus riches que chez ses voisins directs ? Est-ce que vous arrivez à produire en Tunisie avec les matières premières dont dispose le pays naturellement ?

Pour la fabrication des amortisseurs, nous réussissons à nous approvisionner en matières premières et composants à hauteur de 60 % de nos besoins en Tunisie. Ce qui nous confère une très bonne intégration locale, avec des fournisseurs tunisiens en première ligne et des fournisseur internationaux en back up. Par contre, nous devons recourir à l’importation pour des produits spécifiques comme les tubes à exigences très pointues ou les pièces frittées.

Comment sont taxés les matières premières ou composants importés ?

Nous bénéficions de règles précises depuis de nombreuses années, règles « d’admission temporaire » qui stipulent que tout ce que nous importons pour être, par la suite, exporté, n’est pas soumis à taxes. Si nous transformons et vendons sur le marché local les importations sont taxées et la TVA s’applique.  Deux systèmes s’appliquent, d’un côté le libre-échange avec l’Europe, qui nous dispense de taxes douanières et l’importation de produits venus d’ailleurs, taxés à hauteur de 35 % environ.

En parlant d’intégration locale, qu’en est-il des ressources humaines, puisqu’il est coutumier de dire que la Tunisie est un réservoir d’ingénieurs et de personnels qualifiés ?

Historiquement, la Tunisie a toujours été très bien placée au niveau des coûts de main d’œuvre qui nous procurent aujourd’hui, en termes de compétitivité, un réel avantage dans toutes les activités de sous-traitance. On le voit, par exemple, en termes de compétitivité, dans le domaine du câblage, où de grands noms du secteur sont installés depuis longtemps. Nos jeunes diplômés complètent leur cursus universitaire, et font leurs premières expériences dans des grosses sociétés comme les nôtres, et cela nous permet d’avoir accès, en Tunisie, à des compétences nombreuses, qui ne sont pas disponibles dans d’autres pays de la région. La rançon de cette attractivité, se traduit, malheureusement, par « l’exode » de nos cols blancs, ingénieurs et techniciens supérieurs vers l’Europe, où les salaires sont plus élevés. Dans nos entreprises, nous essayons, pourtant, de les valoriser et de leur apporter de nombreux avantages, mais, même s’ils se sentent bien chez nous, nous ne pouvons pas grand-chose contre la tendance de fond qui consiste à privilégier un contexte socio-économique plus favorable que celui de la Tunisie. Je le regrette d’autant plus dans notre activité, parce que former un expert en amortisseur prend beaucoup de temps, et il est frustrant de voir la jeune génération, formée et compétente, quitter la Tunisie pour l’Europe et l’Amérique du Nord, où tout semble mieux. En cette période de Covid, nous nous apercevons, d’ailleurs, qu’il ne fait pas mieux vivre en Europe qu’en Tunisie, la pandémie comme son nom l’indique étant mondiale et les répercussions économiques n’épargneront personne.

Pour revenir sur l’activité propre de la SIA, nous évoquions, tout à l’heure, la Citroën AMI et la première monte, que représente cette dernière dans votre chiffre ?

L’AMI s’avère un très bon exemple de ce que nous proposons sur le marché de la première monte, parce que c’est un produit que je qualifierais de niche, or c’est là où nous excellons. Nous sommes vraiment très bien placés en commandes première monte pour des volumes de véhicules allant de 10 000 à 50 000 unités. Cette spécificité nous fait augurer de belles perspectives dans le secteur du véhicule électrique, pour lequel nous pourrons répondre à l’ensemble des constructeurs automobiles, parce que nos structures sont bien dimensionnées pour ces volumes. Pour information, nous travaillons déjà sur un autre projet 1ère monte pour l’Alliance Renault Nissan.

Est-ce que vos prévisions de commandes ont baissé en première monte à cause de la crise du Coronavirus ?

Nous avons eu la chance, cette année, d’être positionnés sur le lancement d’un véhicule, dont la montée en cadence s’est révélée plus importante que prévue, ce qui a contribué à redresser nos volumes de ventes, et surtout a compensé les baisses de vente en rechange au deuxième trimestre de l’année 2020 du fait de la pandémie. Aujourd’hui, nous adaptons la production mais il sera difficile de rattraper tout un trimestre comme cela, même si les commandes que l’on nous passe nous permettraient de rattraper toute l’année.

Vous fabriquez pour la première monte, pour la rechange, aussi en MDD, travaillez-vous également pour les grands équipementiers internationaux ?

Nous fournissons des amortisseurs également pour certains confrères, je dis confrères et non pas concurrents parce que nous offrons de par notre positionnement une alternative sur les marchés.

En Tunisie, nos parts de marché s’élèvent à 40 % parce que notre positionnement tarifaire est plus attractif, alors même que nos produits sont fabriqués de la même façon et offrent la même qualité que les grands noms du secteur. Mais leur image, le positionnement premium implique des prix plus élevés. Nous cohabitons donc sans nous gêner.

Traditionnellement, sur le marché européen, nous n’étions présents pratiquement que dans le cadre des MDD constructeurs (Eurorepar, Motrio, etc.), ou MDD équipementiers. Une stratégie que nous avons fait évoluer, il y a deux ans, pour affirmer davantage notre propre marque en Europe. C’est ainsi que nous sommes entrés chez Exadis, par exemple, sous la marque SIA’AM, une entrée que nous avons voulu accompagner de la création de nouvelles gammes « Kit Mounting » et ressorts. Il est important pour nous de faire valoir la qualité de nos produits sous leur propre marque. Le partenariat avec Exadis, ainsi, nous apporte une bonne visibilité sur ce marché, qui plus est depuis la création de Nexus France, dont Exadis est adhérent ! Comme Exadis a comme actionnaires Renault et Mobivia, cela nous donne accès à d’autres plateformes et c’est ce que nous avons fait en entrant sur celle de marketparts.com, lancée sur Equip Auto Paris. Parallèlement, nous poursuivons notre démarche auprès des plateformes d’achat comme Amerigo sur laquelle nous sommes référencés, et comptons signer plusieurs partenariats avec d’autres groupements internationaux, avec notre marque ou avec les marques de distribution, que nous ne négligeons pas, par ailleurs. Nous travaillons également avec des agents multicartes dans d’autres pays comme en Europe de l’est, ce qui nous assure plusieurs canaux de distribution et une plus grande liberté d’action.

Fournissez-vous également en première monte les amortisseurs pour les véhicules fabriqués en Tunisie ?

La SIA est fournisseur officiel des amortisseurs d’un Pick up monté et commercialisé par la Stafim, le représentant de Peugeot Tunisie. C’est un véhicule mis au point conjointement par PSA et Dongfeng. Nous avons d’ailleurs été retenus pour un nouveau projet avec STAFIM. Parallèlement, nous livrons aussi les amortisseurs pour la Wallys Car. Les constructeurs font systématiquement appel à nous pour leurs projets de montage SKD en Tunisie.

Vous vous développez beaucoup à l’export, parce que le marché tunisien n’est pas énorme, ce qui soulève la question du produire en Tunisie. Peut-on être producteur en Tunisie pour le seul marché national ?

La possibilité de produire en Tunisie pour le marché national exclusivement dépend du secteur d’activité. Lorsque nous avons commencé, il y a plus de trente ans, à nous lancer dans la fabrication de l’amortisseur, il ne pouvait être question de n’envisager que le marché national comme terrain de jeu, alors même que nous avions prévu de prendre très rapidement une position de leader sur notre marché national. Nous avons atteint assez vite cette position dans les années 90 parce que l’importation des amortisseurs en Tunisie n’était pas suffisante, et avons commencé l’export immédiatement parce que le modèle économique n’est pas viable sans, tout simplement. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous ne pouvons pas espérer plus de 3 ou 4 % de croissance en Tunisie du fait de notre très forte présence, alors que nous comptons réaliser beaucoup plus de chiffre d’affaires à l’export, qui correspond à 80 % de notre activité globale.

Nous parlons beaucoup d’Europe mais avez-vous des ambitions sur le marché africain ?

Nous sommes très présents au Maghreb et nous travaillons déjà sur le marché africain au Sénégal et en Côte d’Ivoire par exemple, même si ce sont des développements plus difficiles à mettre en place du fait d’un marché nettement moins structuré qu’en Europe. Il s’agit, pour nous, de gérer de faibles quantités de commandes qui reviennent régulièrement, certes, mais qui sont plus délicates à rentabiliser. Les clients et prospects privilégient le groupage de plusieurs commandes différentes, car les donneurs d’ordre sont de taille beaucoup moins importante. Il n’en demeure pas moins que nous poursuivons nos efforts sur ce marché de l’Afrique de l’Ouest francophone, d’autant que les tunisiens y sont très appréciés et très bien accueillis.

La Tunisie a ouvert ses quotas d’importation à plusieurs marques de constructeurs automobiles chinois. Est-ce que cela représente une opportunité pour vous ?

Nous avons, bien sûr, observé la multiplication du nombre de constructeurs entrant sur le marché tunisien. Démultiplier le nombre de véhicules différents ne fait que rendre plus complexe le rôle des équipementiers qui voient le volume de pièces par type de véhicule diminuer. Chaque véhicule nouveau qui arrive sur le marché en rechange nous amène à réaliser des développements en plus, à créer des outillages, et lancer de nouvelles productions en petits lots. Au final, plus il y a de marques pour nous, plus il y a de diversité et moins il y a de possibilité de rentabiliser l’outil parce que le marché n’a pas grandi et compte toujours autour de 65 000 véhicules par an, cela ne fait qu’élargir la gamme de pièces de rechange nécessaires pour couvrir le marché. Et ceci, seulement, après les deux premières années de mise en circulation des véhicules qui restent dans le réseau primaire.

Est-ce que vous êtes victimes de la contrefaçon ?

Nous sommes en procès parce qu’une marque chinoise a déposé notre nom en Chine et dans certains pays d’Asie ! En revanche, sur le territoire national et sur le Maghreb, nous avons essuyé par le passé des tentatives de contrefaçon de nos produits, mais nous avons réussi à les éradiquer.

La pandémie a révélé l’extrême dépendance des européens comme des africains face à l’Asie. En Europe, on parle de rapatrier des productions que l’on avait délocalisées. Nombre d’observateurs rapportent que cela ne pourrait se faire qu’en partenariat entre européens et pays d’Afrique du nord ou d’Europe de l’est pour rester compétitifs. Qu’en pensez-vous et seriez-vous prêt à vous lancer dans une nouvelle aventure pour les amortisseurs ou d’autres produits ?

Depuis la mondialisation de l’épidémie, les Européens ont exprimé leurs craintes par rapport à leur dépendance à l’Asie et sont à la recherche de la sécurisation des marchés européens. Une méfiance s’est créée qui ne peut que favoriser la régionalisation du sourcing vers nos pays. Les européens se sont rendu compte que pour la performance de leur supply chain, il fallait pouvoir compter sur un tissu industriel régional, de la région Europe, Afrique du nord. Cependant, tout le monde s’accorde à dire que certaines pièces ne peuvent pas être produites en France par exemple, parce que trop chères. On voit bien que la production de pièces pour les véhicules électriques en Europe n’est possible que via des subventions étatiques, ce qui n’est pas économiquement viable. Il est clair que les constructeurs automobiles doivent se rapprocher des pays d’Afrique du nord ou d’Europe de l’est pour pouvoir rester compétitifs.

Si l’on se penche sur l’Afrique du nord, le Maroc, qui a vu s’installer deux constructeurs automobiles sur son territoire et beaucoup d’acteurs de la première monte, semble arriver à saturation. De la même façon, leurs coûts salariaux ont augmenté et le pays devient, de fait, moins attractif. En Tunisie, nous n’en sommes pas encore là, et nous représentons une opportunité sérieuse pour les constructeurs afin de régionaliser leur sourcing. La culture automobile de la Tunisie et la multitude des compétences présentes dans notre pays contribuent à cette attractivité que souligne, d’ailleurs, à l’international, la Tunisia Automotive Association depuis quelque temps déjà, en montrant notre industrie comme un partenaire sérieux pour les constructeurs automobiles. Nous nous préparons donc à accueillir de nouvelles opportunités  ! D’ailleurs, depuis la Covid, nous voyons se dessiner une tendance d’approvisionnement régional de la part des importateurs qui réduisent leur importation de produits asiatiques pour revenir sur les produits fabriqués localement, comme à la SIA, ou chez nos voisins du Maghreb. 

Comment vous intégrez-vous dans cette tendance ? Avez-vous des projets qui pourrait dépasser l’activité même de la SIA ?

Nous sommes à l’écoute pour saisir toute opportunité qui pourrait se présenter. Cela ne nous empêche pas d’être actifs, en témoigne le lancement des gammes Kits Mounting et de ressorts, sur le marché local et dans le bassin méditerranéen. Nous avons commencé, déjà, la diversification et nous projetons dans l’avenir avec le proche déploiement, en 2021, en Tunisie, d’un portail BtoB pour améliorer l’expérience de nos clients directs. Les clients gagneront beaucoup de temps en ayant à disposition, en ligne, en permanence, les produits et références, ainsi que des informations techniques ou commerciales. Nous bénéficierons, ensemble, des relations plus agréables et plus efficaces. Aujourd’hui, nous disposons de plus de 1000 références en stock, en VL comme en PL, livrons dans tout le pays, et souhaitons offrir encore plus de services à notre clientèle, via ce portail qui lui est dédié.

Envisagez-vous de créer de nouveaux sites de production ?

Nous avons étudié la question de nous implanter en Algérie mais uniquement en après-vente. Avec le Coronavirus, ce projet est, bien sûr, suspendu mais le marché algérien reste l’un des plus intéressants en aftermarket aujourd’hui dans la région.

Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Rédaction
Rédactionhttps://www.rechange-tunisie.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Articles similaires
Related

Distrigo pour tous et sans parti pris

Affichant la grande liberté d’ouverture de la marque Distrigo,...